OUTSIDER
Exposition solo présentée à la Maison de l’architecture du Québec du 22 juin au 23 septembre 2018

Le projet d'exposition « outsider » comprend trois prototypes représentés en dessins et en maquettes. Ce travail permet d’investir des méthodes de représentation mise de côté par la pratique architecturale. La logique de construction devient autre et souligne la création d’espaces qui suit des méthodes de conceptions empiriques puisées au champ de l’architecture. Le travail de maquettes est un laboratoire d’explorations formelles. La perception du temps à travers l’actualisation du projet est sans commune mesure avec les échéanciers imposés à l’architecture contemporaine. Accompagnant ce travail, est présenté le « Catalogue raisonné d’architectures outsiders » réalisé dans le cadre de recherches doctorales, sous la direction de Nicolas Reeves. La thèse souligne des liens entre des œuvres monumentales lues selon les grandes lignes de la théorie de l’architecture et des courants d’art (art naïf, expressionnisme, surréalisme, CoBrA, art brut). Le catalogue raisonné regroupe un ensemble d’œuvres réalisées en autoconstruction. Ces exemples, le plus souvent situés en milieu rural échappent aux diktats structuraux et esthétiques de leurs temps, partagent des principes fondamentaux de l’architecture et, détermine un pôle à la fois vernaculaire et centré sur l’imaginaire. Le potentiel qui s’en dégage est celui de lieux d’expérimentations libres, nécessaires à l’enrichissement et à la vitalité de la discipline. La documentation visuelle qui regroupe des œuvres et des sites visités au Québec, en France et en Belgique, comporte des photographies, des dessins, et des plans. Les architectures outsiders s’imposent face à l’architecture contemporaine comme modèles d’une architecture individuelle et sensible à la nature humaine.

Tour
[maquette 1 :20 et dessins 1 :40 et 1 :50]
Le projet 3 est une étude basée sur les textes, les plans et les maquettes ayant servi de base à la construction de la Tour de Jean Dubuffet dans un parc en France. Si les enchaînements d’espaces, d’escaliers et de corridors sont dans une bonne mesure proche de ceux de Dubuffet, l’objet lui-même, avec son enveloppe imprécise et organique, tend à s’écarter du modèle. Le travail des ouvertures en fait un nouvel objet de recherche. Bien qu’il y ait une forte ambiguïté à prendre pour modèle les travaux de Jean Dubuffet, il m’a paru incontournable d’en faire le sujet d’une étude. Dubuffet s’est fait architecte notamment avec sa série « Édifices ». La Tour est imaginée comme l’intérieur d’une coquille d’escargot.

Bulles
[maquette à l’échelle 1 :20 et dessins 1 :40]
Le projet 1 est la construction d’une extension résidentielle imaginée sur le toit d’un quintuplex du Plateau Mont-Royal à Montréal. C’est la création d’une fiction dans laquelle l’architecture a la capacité de communiquer des sentiments s’opposant à la normalisation, par le biais d’une architecture du détail évoquant la vision de Ruskin et l’illusionnisme que sous-tend le « grotesque », le comique et la légèreté qu’il peut transmettre. Il est un amalgame de maisons bulles dans un paysage improbable. C’est le dessin d’une hétérotopie, celle de l’impact de la réglementation sur l’imaginaire architectural. La référence à la maison sans fin par l’architecte Frederick Kiesler est mise en évidence.

Blocs
[maquette 1 :20 et dessins 1 :40]
Le projet 2 est un essai sur le principe grotesque qui tend à s’opposer à une loi de la nature, la gravité. Le langage architectonique multiplie les jeux d’illusions et de trompe-l’œil en fonction de l’expression, au détriment de la géométrie et d’une cohérence apparente entre structure et architecture. La compression devient tension. Le sens et l’expression se retrouvent au centre de l’architecture. Le projet joue également sur l’éclectisme de façade, depuis le geste sur les volumes aux accents postmodernes, les jalousies et la fenestration en façade qui renvoie à l’architecture bourgeoise du XIXe siècle à Lyon, tandis que les jeux de galeries et d’escaliers extérieurs rappellent l’architecture montréalaise.

Répertoire d’architectures outsiders
[recherches doctorales sur l’architecture outsider réalisées à l’UQAM dans le programme en Études et pratiques des arts, sous la direction de Nicolas Reeves (École de design)]
La mise en évidence des courants de l’architecture ayant puisé aux notions d’Art Brut, ou ayant coïncidé avec elles, nous permet d’aborder les idéaux anti-utilitaristes tenus par Dubuffet avec l’hypothèse d’un art « a-culturel » qui ont pu devenir une base théorique pour le projet situationniste de la ville futuriste de Constant. C’est vers un nouvel art populaire que les pré-situationnistes, i.e. les groupes expérimentaux des cercles hollandais et danois ralliés au cercle surréaliste belge, se sont engagés en réponse à l’ « art culturel ». Leurs travaux ont impliqué l’idée d’un travail « consciemment primitif » et sont associés à la notion de bricolage établie par Claude Lévi-Strauss, investie à travers le rituel d’installation entourant l’architecture domestique selon la typologie de la maison dans un jardin. La référence à cette pratique représente une piste de recherche qui peut servir à la construction d’une définition de l’ « architecture outsider » ; le terme décrit une activité qui échappe aux normes et sert à nommer une science « première ».
C’est sur la piste d’une expression populaire et d’un regain d’intérêt envers les arts primitifs, que les membres du groupe CoBra, nous rapprochent des œuvres du Répertoire de mes recherches doctorales. Les Cobra et Asger Jorn, démontrent qu’il n’y a pas d’impasse ni d’obstacle à investir la discipline architecturale avec les connaissances issues de l’Art Brut. Si les correspondances sont souvent ténues, elles ravivent des théories supplantées par le rationalisme, et apportent un regard complémentaire sur la postmodernité. Les situationnistes ont recherché les voies vers l’expression libre, voire spontanée, et élaboré des processus d’expériences suivant la notion de l’imagination matérielle (Gaston Bachelard).