Villa Poiesis
Bourse Recherche Création, Conseil des Arts et des Lettres Architecture: Villa Poiesis est un projet regroupant des prototypes d’une architecture qui interroge le possible effondrement de ses modèles. La poésie de l’espace se réclame d’une position de résistance à travers la construction conceptuelle de palais de mémoire. Le travail s’inscrit en continuité avec le projet Outsider (Katherine Lapierre) présenté à la Maison de l’architecture du Québec ainsi qu’avec les recherches de Jérôme Ruby (artiste participant). Les études formelles (maquettes et plans) sont basées sur un travail situé entre sculpture et architecture, pour composer des unités de vie. Archisculpture Le domaine des sculptures habitées est d’après Michel Ragon une « autre forme de nid d’homme » qui impose dans les années 1960 les termes d’« architecture-sculpture » et de « sculpture-architecture ». La proposition s’inscrit dans cette lignée de la recherche/création en architecture. Archiculture Parmi les liens entre l’art et l’architecture, nous nous sommes particulièrements intéressés aux notions d’Art Brut qui ont pu, par exemple, inspirer le style architectural du Nouveau Brutalisme. Dans son article de l’Architectural Review (1955) « The New Brutalism », Reyner Banham introduit la relation de l’architecture à l’Art Brut avec la notion d’« architecture autre ». Il réfère à la formule « art informel » employée par le critique d’art français Michel Tapié dans son ouvrage Un art autre (1952). Dans cette période d’après-guerre, la vision de Banham concernant la nouvelle architecture devait dépasser « […] les normes de son expression avec autant de véhémence que les tableaux de Dubuffet dépassaient les normes de la peinture [1] ». Banham renvoyait cette architecture autre aux processus pragmatiques comme aux qualités propres des matériaux. Il tissait par exemple des liens entre la manière de peindre de Dubuffet et l’apparence brute du matériau dans le Nouveau Brutalisme. Le « brutalisme » laisse apparaître la laideur ou le résultat d’un travail anti-design. C’est un savoir-faire plutôt qu’une création, une technè plutôt qu’une poièsis. S’inscrivant dans cette recherche, Villa Poiesis est le projet d’une installation qui regroupe un ensemble de maquettes, de sculptures et de dessins sur les thématiques du palais de mémoire, de l’espace poétique, d’une architecture délibérément en marge, centrée sur le geste créatif, sur le vivant. L’architecture à travers l’image de la villa évoque autant la construction de la pensée, de la mémoire, de la narration de l’espace, qu’un nécessaire engagement créatif à l’échelle de la société. Nous proposons un « travail de collection » construit comme une rencontre. N’ayant jamais collaboré officiellement en tant que binôme, nous nous sommes attardés à l’association entre l’architecte et le sculpteur dans un ensemble de projets informé de l’observation de maisons bulles en voile de béton des architectes Haüsermann-Costy et de Joël Unal, ainsi qu’aux travaux de Jean Dubuffet en architecture. Nous avons investi un travail librement inspiré de l’opposition de la plasticité organique aux grands tracés de l’architecture. Avec ce projet, nous avons dirigé nos recherches communes en collaborant directement sur la conception de prototypes s’inscrivant dans les dimensions de lots types montréalais. Il s’agit de confronter l’idée d’intégration des arts à l’architecture, par une recherche sur l’architecture comme œuvre d’art et dépassant le schéma d’une simple discussion entre l’œuvre et l’espace architectural. |
Papier - 01 Le premier prototype est une étude basée sur la manipulation d’échelle. À partir d’une feuille de papier format lettre froissée et numérisée, puis transposée aux dimensions d’un bloc d’habitation, l’espace se déploie entre macrocosme et microcosme. Claude Lévi-Strauss a mis en évidence, « […] que l’œuvre d’art, si grande soit-elle, n’est jamais qu’un modèle réduit [2] ». Ces modes d’observation et de réflexion relèvent d’une démarche intellectuelle, voire d’une « science du concret » qui donne lieu à ce que Claude Lévi-Strauss nomme la « pensée mythique », équivalente à une sorte de « bricolage intellectuel », c’est-à-dire une construction de l’intellect rendue possible par un tissage d’expériences et non pas à travers l’élaboration de concepts purement abstraits. Lévi-Strauss, avec la description d’une pensée sauvage, développe une autre typologie de la pensée « intégrale », distincte de la pensée rationnelle (ou scientifique). Nous poursuivons cet engagement à travers ce nouveau projet. |
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Roche, Blocs,… Deux prototypes ont été davantage développés en prenant directement pour base un ensemble de dessins réalisés par Jérôme Ruby. Nos expertises d’architecte et de sculpteur ont été mises à profit de façon naturellement complémentaire, ouvrant la question du rationnel et de l’irrationnel, de la rationalisation et des limites du raisonnable à travers des projets d’habitat. L’apport du numérique permet la rationalisation d’architectures imaginées sans contrainte de la loi, où la composition des volumes, des contrastes plastiques sont au cœur d’une discussion sur l’art et l’architecture. Avec Villa Roche, c’est l’expression de la structure à l’image de la montagne alors qu’avec « Villa Blocs », c’est le passage à travers une suite d’espaces restreints et d’autres surdimensionnés. ___________ Note 1. Banham, Reyner, The New Brutalism : Ethic or Aesthetic? (Architectural Review), NY, Reinhold Publishing, 1966. 2. Lévi-Strauss, 1962, p. 33 et suiv. In Bruno, Hervé, Pratolino : art des jardins et imaginaire de la nature dans l’Italie de la seconde moitié du XVIe siècle, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, U.F.R. d’Histoire de l’art et archéologie Centre Ledoux, Thèse de doctorat, 2001, p. 745. |