Villa Tekhnai
Bourse Recherche Création, Conseil des Arts et des Lettres Architecture: Description du projet La poterie pour certaines cultures est conçue comme une projection architecturale dans l’imaginaire de la rêverie. J’investis l’apport mythologique dans l’écriture architecturale autour des notions de tekhnai et du feu. Ouvrant la question des limites du raisonnable, la réalisation du projet Villa Tekhnai me permet d’investir le potentiel des outils numériques et les connaissances sur les notions de tekhnai du point de vue de l’architecture. Les figures brutes numérisées ayant servi aux transcriptions de formes du feu sont des bûches récupérées d’un feu de camp interrompu par l’eau, des écailles de poissons en verres soufflés, des roches de la région des Éboulements où l’impact d’une météorite a produit un cratère dont des roches ont été créées ou modifiées par la chaleur dans la région du Charlevoix au Québec. La transposition numérique a défini les volumétries identifiées en lien avec mes recherches. Parmi un ensemble d’essais composés d’assemblages de formes sculptées par les diverses techniques du feu, j’ai exploré le rapport entre ces dernières et l’angle droit. Les figures aux géométries euclidiennes sont mises en contraste avec les formes brutes. Les outils informatiques facilitent les calculs de formes aux géométries complexes. Archisculpture - Habiter autrement Mes récents projets axés sur l’architecture comme œuvre d’art, Villa Poiësis (2020-2021) et Villa Tekhnai (2021-23) se veulent un jeu de tensions entre des prismes orthogonaux aux échos brutalistes et les géométries irrationnelles. Avec ce travail, je remarque le potentiel de typologies architecturales délaissées par la pratique de l’architecture contemporaine : grotte extérieure et habitation troglodyte. J’ai exploré leur fonction à travers une recherche historique regroupant entre autres des ouvrages nouvellement imprimés grâce à un fond de la BNF entourant l’œuvre de Bernard Palissy. Je me suis particulièrement rattachée aux jeux d’échelles et à l’émerveillement de ses observations d’une nature « sauvage ». En explorant différentes méthodes empiriques de conception ignorées par la pratique architecturale contemporaine, l’ensemble des prototypes constituent les bancs d’essai d’une pratique « citationnelle » qui permet d’expérimenter une recherche sur l’architecture comme œuvre d’art. Cette prise de position revendique un niveau d’intégration des arts à l’architecture qui dépasse le simple schéma d’une discussion entre œuvre et espace architectural. Jusqu’au XVIIIe siècle, l’architecture a préservé sa capacité d’encadrer et d’intégrer les actes d’un rituel permettant une orientation radicale de l’humain à devenir un être supérieur, « suprasensory Being » [1]. Jusqu’à ce moment, la théorie architecturale comprenait des données métaphysiques. L’époque post-cosmologique est marquée par une substitution d’un monde « donné » à l’expérience par un monde d’images ou de représentations. Bachelard a soulevé que « nous ne croyons plus à ce que nous imaginons » [2]. Avec les théories de Jung et de Bachelard, le langage imaginaire devient une alternative à l’appréhension du monde par la raison. Dans La poétique de l’espace, les images premières du feu et de l’eau, éveillent un sentiment de sécurité qui protège au-delà des matériaux, renforcent le « caractère » d’une habitation qui est d’être protectrice. Bachelard dans son livre La flamme d’une chandelle écrivait justement : « La flamme, parmi les objets du monde qui appellent la rêverie, est un des plus grands opérateurs d’images. La flamme nous force à imaginer » [3]. Pour le philosophe, ce que l’on voit n’est rien par rapport à ce qu’on imagine. Le fait de se baser sur des formes naturelles implique une part plus grande d’imagination, de fiction et occulte la seule approche fondée sur la géométrie. Bachelard rappelle que : « Le feu est lié aux tekhnai, aux arts et techniques du feu et, par conséquent, il devient alors un feu civilisateur » [4]. La recherche est centrée sur le potentiel de l’architecture à nous faire imaginer et à devenir jusqu’à un opérateur d’images comme la flamme est un appel à la rêverie. Aujourd’hui, imaginer l’impossible, contourner les règles de l’architecture classique, n’est plus considéré comme relevant du délire. Notes 1 Alberto Pérez-Gómez, Dwelling on Heidegger: Architecture as mimetic techno-poiesis, 1998, Architecture history and theory – studio catalogues, https://www.mcgill.ca/architecture-theory/catalogues/1998#more 2 Bachelard, Gaston cité par Lambert, Jean-Clarence, 2L’imagination matérielle, Paris, édition du Cercle de l’Art, coll. Diagonales, 1991, p. 11. 3 Gaston Bachelard, La flamme d’une chandelle, Paris, P.U.F, 1961, p. 1. 4 Beaudin, Jean-Philippe A., La figure mythique de Prométhée dans la philosophie de Platon, Maîtrise en philosophie, 2011, UQAM, p. 7. |
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Cap-aux-oies Le premier prototype intègre la forme reproduite d'une pierre transformée par la chaleur et la force de l’impact d’une météorite au centre de l'astroblème des Éboulements, dans la région du Charlevoix au Québec. La roche est amalgamée à un prisme rectangulaire, augmentée à l’échelle d’une habitation montréalaise typique du Plateau Mont-Royal. C’est l’image première d’habiter la grotte qui est mise de l’avant dans l’idée d’habiter l’intérieur de la roche. Il s’agit de l’augmentation d’échelle d’un caillou qui m’a fait rêver d’une architecture au moment de sa découverte. Il témoigne d'un passé remontant à 500 millions d’années et des formations géologiques de cette partie du cratère du secteur de St-Irénée, à Cap-aux-oies. |
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Feu Le second prototype est l’amalgame d’une bûche, d’écailles de poissons en verre soufflé et de figures classiques du vocabulaire architectural revues à travers un jeu de proportions. La notion de bricolage, de pensée sauvage de Claude Lévi-Strauss est investie. L’escalier intérieur est une version angulée de celui de la Tour aux figures (1985), à l’Île St-Germain, en France par Jean Dubuffet. La montée en spirale est à l’image de la circulation dans une coquille d’escargot monumentale. En résulte l’assemblage de brides et morceaux qui appartiennent à différents moments de l’histoire. |
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Troglodyte
Le troisième prototype est un travail de plein et de vide, d’extrusion par opérations booléennes de différences entre des prismes orthogonaux et la forme numérisée d’une bûche brûlée. Le parcours vertical suit la paroi intérieure qui est un décalage de l’extérieur. L’idée du double, de la flamme qui se multiplie à l’infini et de l’ascension en spirale dirigent l’aménagement de l’espace. Le projet est guidé par un jeu d’échelle dans une mise en œuvre monumentale. |